Kylian Mbappé avait tombé le masque, mais c’est la sélection tricolore qui a été démasquée (1-2) mardi à Munich, contre une équipe espagnole plus forte qu’elle, ce que toute la compétition avait d’ailleurs raconté, quel que soit le tour concerné. Les tricolores ont cependant été au rendez-vous de l’intensité, du don de soi, et il paraît difficile de fustiger une équipe lâchée par ses deux meilleurs joueurs, Mbappé blessé et Antoine Griezmann au bout du bout. Au coup d’envoi, Griezmann était du reste sur le banc.
C’était dans l’air : deux cadres, Mbappé avant le Portugal, Adrien Rabiot la veille de la demi-finale de Munich, avaient souligné publiquement les difficultés du Colchonero la semaine dernière et le sélectionneur, Didier Deschamps, a mis son meneur de jeu au repos. Une décision dont il n’est pas interdit de penser qu’elle va dans le sens du joueur, les matchs disputés à l’Euro ne lui rendant pas justice, à une exception près (les Pays-Bas le 21 à Leipzig). Les Bleus sont rentrés sur la pelouse pour l’échauffement avec le masque de fer. A croire qu’ils étaient venus braquer une banque.
William Saliba s’est astreint à une prière de près de trois minutes avant le coup d’envoi. Et Mbappé a laissé le masque sur le banc: risque maximum, le joueur estimant quelque jours plus tôt que l’accessoire était une condition sine qua non de sa participation au jeu. Trouvé côté gauche et en situation de un contre un face à Jesus Navas, le capitaine des Bleus a alors la bonne idée de ne pas partir au duel: il délivre un centre au centimètre sur la tête de Randal Kolo Muani oublié au marquage, qui met les tricolores devant (1-0, 9e). Dans le jeu, Fabian Ruiz et consorts sont laminés. Rabiot démolit tous ceux qui passent à portée, N’Golo Kanté a emmené son tapis volant, Mbappé fait mal.
Deux gestes complètement au-delà des normes vont alors infléchir le sens du match. Le premier a appartenu à un gosse de 16 ans (17 le 13 juillet), Lamine Yamal, qui enroule du gauche une frappe de 20 mètres dans la lucarne tricolore (1-1, 21e) sans qu’aucun défenseur adverse n’y soit pour quoi que ce soit – il aurait fallu l’empêcher de naître, pas d’autre moyen. Et le second fut un double contrôle aérien divin de Dani Olmo après un centre espagnol repoussé, Aurélien Tchouaméni aux fraises et Jules Koundé qui claque la frappe du milieu de Leipzig dans ses filets à lui (2-1, 25e).
Sonnés, Rabiot et les siens vont mettre du temps à reprendre le ballon et réinstaller cette puissance lourde, tenue dans le temps, qui avait initialement impacté la Roja. Si les Bleus sont menés (1-2) aux citrons, et pour la toute première fois de la compétition, ils n’en ont pas moins fait leur meilleure mi-temps depuis qu’ils crapahutent en Westphalie.
L’équation qui se présente aux tricolores au retour des vestiaires est complexe. Ils existent par l’impact, l’ardeur au combat. S’ils baissent le pied, la maîtrise technique et collective espagnole que l’on sent bien vivace, juste sous la surface du match, les engloutira inévitablement. Et le temps joue contre eux, pas tant celui du match, même s’ils sont menés, mais la fatigue, qui s’invite d’autant plus facilement en bout de compétition.
Deschamps envoie ainsi trois joueurs en relais dès l’heure de jeu, dont Griezmann, comme on jette des bûches au feu: il faut toujours en remettre. Pour autant, l’équipe de France a lentement glissé vers le bas. Si Bradley Barcola a fait comprendre assez vite aux Espagnols qu’ils ne seraient pas trop de deux pour s’occuper de son cas, la Roja a progressivement réussi à prendre le contrôle du tempo. Et puisqu’elle le voulait lent, les minutes ont filé. Deux ou trois détails nous ont cependant laissé penser que les Bleus n’étaient pas si loin.
Une relance trop facile de Fabian Ruiz (73e), un ballon égaré par le gardien espagnol Unaï Simon (76e), quelques coups d’attaque prometteurs que Rodri choisit d’enterrer pour faire tourner le ballon et le chronomètre... des miettes, mais quelque chose quand même. Deschamps fait aussi rentrer Giroud, qui commence par camionner le meilleur défenseur adverse (Aymeric Laporte) histoire de lui faire comprendre que son équipe ne va pas se laisser raccompagner à la sortie comme ça. Mbappé aura l’occasion de faire revenir les Bleus à hauteur, envolant sa frappe (85e).
Le symbole de l’Euro: la star tricolore un peu à côté, le énième tir non-cadré... Les Bleus ont fini le match épuisés. «On avait moins de jus, a reconnu Deschamps au micro de TF1. On était en retard parfois, trop de déchet technique dans la construction...». Par contraste, la fraîcheur de Yamal et de son alter ego à gauche, Nico Williams, se sont énormément vues. L’avenir appartient à ces deux-là. La finale de dimanche à Berlin, contre le vainqueur du Pays-Bas-Angleterre de mercredi, aussi.
2024-07-09T20:59:09Z